Les longs trajets ville-campagne en auto-solo sont un des grands défis de l’urgence climatique, en plus de peser sur les fins de mois et d'encombrer les entrées de ville matin et soir. Pour résoudre ce problème, la voiture électrique n'est qu'une demi solution. Il faut aussi que les alternatives à l'auto-solo soient nombreuses, crédibles et massivement adoptées.
Des alternatives crédibles
Chez les périurbains, la voiture est gage de liberté, de flexibilité, de rapidité et de confort. Pour qu'une alternative soit crédible, elle doit soutenir la comparaison. Ce qui est perdu en rapidité et en flexibilité doit être regagné d'une autre façon : économies, santé, tranquilité et plaisir, sans oublier, pour ceux qui y sont sensibles, le soulagement de soigner leur angoisse climatique.
Une première alternative à la voiture est tout simplement d'éviter les déplacements. Cette 'démobilité' procure économie et tranquilité. Elle s'obtient par le télétravail, les téléservices et les achats en ligne à condition que les livraisons soient groupées. Ces changements sont essentiellement influencés par des facteurs nationaux et mondiaux mais tout doit être fait à l'échelon local pour les accélérer.
Le vélo électrique est maintenant une alternative crédible jusqu'à une distance de l'ordre de dix kilomètres. Ceux qui le pratiquent parlent de plaisir, de bonne santé et d'économies. Ceux qui hésitent à se lancer parlent de leur peur des voitures. C'est pourquoi nous applaudissons au lancement de notre schéma cyclable d'agglomération (2024) et nous espérons que ses 550 kilomètres d'itinéraires protégés seront mis en service aussi vite que possible.
Dans un espace peu dense comme le nôtre, rares sont les lignes de transport public qui peuvent offrir une alternative crédible à la voiture. Depuis peu (2024) c'est le cas d'une ligne de 40 km qui dessert douze des 74 communes de notre agglomération avec 13 allers-retours par jour. Un service de transport à la demande flexible et très ramifié permet de rabattre les usagers vers la ligne. Cette formule rencontre cependant deux limites : (1) le coût du service exploserait s'il s'étendait avec succès à tout le territoire et (2) la comparaison des temps de trajet reste dissuasive pour beaucoup d'habitués de la voiture. Une façon de rééquilibrer cette balance inégale serait de réserver des voies aux transports publics (et aux voitures pleines).
Est-ce que le covoiturage pourrait permettre des déplacements flexibles, ramifiés, de porte à porte et économes en argent public ? C'est le graal que nous recherchons depuis 2013.
Pour les déplacements réguliers, l'idéal est de former des petits groupes de personnes ayant le même lieu de départ et/ou d'arrivée, que ce soit pour le travail ou les activités associatives. Ces petits groupes de covoitureurs se créent spontanément et génèrent la plupart des covoiturages qui sont effectués en France aujourd'hui, mais ils restent beaucoup trop rares au regard de l'urgence climatique. Nous testons des démarches innovantes pour les multiplier.
Les applis de covoiturage sont un des leviers disponibles pour créer ces petits groupes. Une fois mis en relation, les covoitureurs peuvent ensuite continuer à publier leurs trajets ou s'arranger en direct. Depuis 2023, notre agglomération a établi un partenariat avec BlaBlaCar Daily pour offrir la gratuité aux passagers et une incitation financière aux conducteurs. A notre petite échelle, nous appuyons cet effort et nous souhaitons qu'il porte ses fruits.
En majorité, les déplacements du quotidien sont irréguliers et imprévisibles. Est-ce à dire qu'ils ne se prêtent pas au covoiturage ? Non car il est possible de remplir les voitures de façon improvisée grâce aux lignes de covoiturage pour lesquelles nous plaidons depuis longtemps. Nous applaudissons donc à la création de deux lignes expérimentales en 2022 et à l'ouverture de six lignes supplémentaires en 2024. Nous avons été invités à échanger régulièrement sur le déploiement et le fonctionnement de ces lignes et nous contribuons à leur promotion. Pour le moment, le nombre de passagers des lignes reste beaucoup trop faible pour relever le défi de l'auto solo. Nous pensons qu'à l'avenir, il faudra ramifier les lignes et aménager les sorties de ville avec des points de départ de très grande qualité.
Aider au changement de mobilité
La voiture individuelle fait partie intégrante du mode de vie des périurbains qui, bien souvent, n’imaginent même pas pouvoir s’en passer. Un temps viendra où le vélo, le covoiturage et l'autocar seront utilisés spontanément « pour faire comme les autres », mais on est encore très loin de ce point de bascule en périphérie d’une ville moyenne comme la nôtre. Les mobilités alternatives ne vont pas non plus être adoptées à grande échelle pour leurs mérites propres (économies, bonne santé, qualité de vie) parce que la perception de ces mérites est biaisée par l’habitude de la voiture. En résumé, il se passera des années avant que les alternatives à l’auto-solo soient adoptés spontanément à grande échelle à la campagne, même si elles sont crédibles. Or le climat ne peut pas attendre. Il y a donc urgence à inciter au changement.
Nous avons fait une synthèse des connaissances disponibles sur les changements de mobilité en recherchant les leviers les plus efficaces pour obtenir des résultats à grande échelle sans dépense excessive. Le meilleur levier pour aider quelqu'un à changer, c'est l’influence d'un collègue, d'un voisin ou d'un ami qui pratique l'écomobilité, qui en est satisfait et que l'on côtoie au quotidien. Ce levier est encore plus puissant s'il est actionné au sein d'un petit groupe informel sur le
lieu de travail ou de résidence. Evidemment ce levier agit à toute petite échelle. Comment faire pour toucher un large public ?
Nous proposons de favoriser l'émergence de nombreux 'mobilisateurs' bénévoles qui vont échanger avec leurs collègues, voisins ou amis au sein de petits groupes informels. Dans chaque entreprise, village et association un référent écomobilité devrait susciter les vocations des mobilisateurs, les aider à s’investir, observer leurs résultats et les mettre en valeur. Pour entretenir leur motivation et leur compétence, ces référents devraient échanger au sein d'un ou plusieurs réseaux fonctionnant avec le soutien de la collectivité.
Dans cette perspective, nous plaidons pour que notre territoire s’engage dans un programme de changement de mobilité à grande échelle. Nous considérons ce plaidoyer comme légitime car d’autres territoires, similaires au nôtre, se sont engagés dans cette voie.
Par ailleurs, nous pensons que l'information sur les mobliités alternatives devrait être améliorée. Même si cela suffit rarement à provoquer du changement, c'est pourtant une nécessité. En général, un périurbain qui souhaite se déplacer sans sa voiture va devoir combiner et comparer différents modes alternatifs. Or l'information actuelle ne permet pas de le faire facilement car elle est présentée en silo par chaque fournisseur de service. Les applis de navigation commencent à proposer des trajets sans voiture combinant plusieurs modes de transport. Nous en avons testé sept et nous avons trouvé que les meilleures produisent des résultats assez satisfaisants dans les grandes villes. Certaines commencent même à couvrir des villes de la taille de la nôtre. Nos proposons donc de progresser dans cette direction.